« A les envisager exactement, les modes de perception peuvent être ramenés, en somme, à quatre : Par ouï-dire seulement je connais le jour de ma naissance ; et que j’ai eu tels parents, et autres choses semblables dont je n’ai jamais douté. Je sais par expérience vague que je mourrai ; en effet, je l’affirme parce que j’en ai vu mourir d’autres, semblables à moi, bien qu’ils n’aient pas tous vécu le même laps de temps, ni succombé à la même maladie. C’est encore par une expérience vague que je sais que l’huile est un aliment apte à nourrir la flamme, tandis que l’eau est bonne à l’éteindre…et c’est ainsi que je sais à peu prés tout ce qui se rapporte à la conduite de la vie. Nous inférons une chose d’une autre de la façon suivante : après avoir clairement perçu que nous sentons tel corps et nul autre, nous en inférons clairement , d’après moi, que l’âme est unie au corps, et que cette union est la cause d’une telle sensation. Mais quelle est cette sensation et cette union, nous ne pouvons pas le comprendre par là d’une façon absolue. De même, après avoir appris la nature de la vision et aussi qu’elle a une propriété telle qu’une seule et même chose nous paraît plus petite vue à une grande distance que lorsque nous la regardons de prés, nous en inférons que le soleil est plus grand qu’il ne paraît, et autres choses semblables. Enfin, la chose est perçue par sa seule essence lorsque, du fait même que je connais quelque chose, je sais ce que c’est que connaître quelque chose ; ou bien lorsque, du fait même de connaître l’essence de l’âme, je sais qu’elle est unie au corps. C’est par ce même mode de connaissance que nous savons que deux et trois font cinq, que deux lignes parallèles à une troisième sont aussi parallèles entre elles, etc.…Les choses, toutefois, que jusqu’ici j’ai pu comprendre d’une telle connaissance sont très peu nombreuses. »

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE- §20-21-22

SPINOZA