Stigmatisation
La stigmatisation
Thierry ROGEL, profeseur de SES au lycée Descartes de Tours
L’analyse de la déviance abordée en première et, implicitement dans le cadre du chapitre sur le lien social, en terminale nous confronte, aux côtés du terme « déviance », à la notion de « stigmatisation » mais sans que celle-ci soit généralement approfondie. Dès lors, on peut se demander s’il convient d’utiliser un terme supplémentaire s’il ne s’agit pas de décrire autre chose que la déviance. En fait, l’analyse de la stigmatisation nous amène à aborder des problèmes classiques de sociologie sous un angle très particulier.
I
l convient d’abord de resituer la notion de stigmatisation dans l’ensemble des analyses sur la déviance. La déviance, qui peut amener aux situations d’exclusion, de ségrégation ou de marginalité, peut dans un premier temps être comprise comme un écart aux normes ou aux valeurs de la société ou du groupe d’appartenance. Dans l’optique de Merton, il s’agit du résultat d’une mauvaise adéquation entre les buts valorisés de la société et les moyens qu’elle met à la disposition de ses membres1. Le déviant sera celui qui accepte les buts valorisés par la société (l’enrichissement par exemple) mais n’utilise pas les moyens légitimes pour y parvenir. Sera également déviant celui qui refuse aussi bien les moyens que les buts de la société. Dans cette perspective, la déviance apparaît largement comme le résultat d’une action de l’individu. Howard Becker renverse cette perspective (retrouvant en cela des idées de Durkheim2) en montrant que la déviance, loin d’être le résultat voulu ou non d’une action indivi-
duelle, est le résultat d’une qualification d’un acte par la société (« labeling theory » ou « théorie de l’étiquetage »)3. La déviance peut être également vue, dans l’optique de l’École de Chicago, comme un processus de socialisation au sein d’un sous-groupe4. La notion de stigmatisation, quant à elle, est attachée au nom d’Erving Goffman qui la