Sujet es/s
Si la légende est, selon l'étymologie, « ce qui doit être lu », elle est aussi et avant tout une fiction, un « mensonge » qui, pour beaucoup, n'a que vocation à divertir. Or Alphonse Daudet, dans sa nouvelle intitulée « La Légende de l'homme à la cervelle d'or », conclut ainsi : « Malgré ses airs de conte fantastique, cette légende est vraie d'un bout à l'autre… » Il ne s'agit pas de croire à l'authenticité de son histoire, mais à la vérité qu'elle recèle. Pourquoi certains écrivains, à l'image de Daudet, ont-ils recours à la fiction pour transmettre des vérités ou des leçons ? En d'autres termes, de quels atouts spécifiques dispose la forme fictionnelle pour persuader ou convaincre ? Nous montrerons tout d'abord que la fiction est un moyen de capter la bienveillance du lecteur par le plaisir du récit. Nous examinerons ensuite les avantages pour l'écrivain de masquer une leçon par une fable. Enfin, nous mettrons au jour les richesses offertes par l'apologue.
I. Le plaisir du lecteur
1. Le lecteur est transporté dans un « ailleurs »
Si l'écrivain choisit la fiction pour transmettre un message, c'est avant tout pour plaire au lecteur. « Docere et placere », « instruire et plaire », écrivait Horace ; « instruire en plaisant » pourrait-on ajouter. Dans cette perspective, la fiction apparaît comme une forme privilégiée. La fiction est en effet par nature un « déplacement », dans la mesure où tout récit est coupé de la situation d'énonciation. En lisant une histoire, le lecteur change de lieu, de temps : il est transporté. On comprend pourquoi les écrivains ont souvent recours au conte merveilleux pour transmettre un message : le lecteur, sans repère spatio-temporel déterminé, retrouve le plaisir de l'enfance. La nouvelle de Daudet intitulée « La Légende de l'homme à la cervelle d'or » commence ainsi par « Il était une fois ». Cette simple expression agit comme une formule magique propre à capter l'attention du lecteur en même temps qu'à désarmer ses