Thierry machuel
Dark like me
Découverts dans une anthologie de poésie Noire américaine il y a de cela près d’une vingtaine d’années, les poèmes de Langston Hughes m’avaient immédiatement frappé. Leur ton prenant, la réalité sans fard, l’expression à la fois dense, rigoureuse et profondément émouvante m’apprenaient à l’époque une manière de penser la poésie tout à fait nouvelle. Cela que je cherchais, la beauté sertie dans le réel, était là sous mes yeux. Je n’avais plus qu’à me mettre au travail…
Ce ne fut pas facile pour autant. J’avais encore peu d’expérience des montages de textes : juste celle de Voir et Ensemble, cantates pour lesquelles j’avais réuni des textes de Guillevic puisés dans plusieurs recueils, plusieurs décennies d’écriture. Ces premières tentatives m’avaient conforté dans la direction des « livrets-tableaux », la mise bout à bout de poèmes d’un même auteur mais de recueils différents, tissant par moi-même une histoire en contrepoint des histoires puisque, d’un poème à l’autre, le livret finit par dessiner quelque chose qui n’était pas présent au départ, et qui ressort peu à peu comme une trame, un maillage auquel la musique va désormais concourir.
Destinée au Jeune Chœur de Paris, l’œuvre devait répondre à la demande de Laurence Equilbey, qui voulait un « hommage à ». J’ai dédié cet hommage à Billie Holiday, dont le talent d’interprète est aussi créateur dans Strange fruit. Sans m’étendre sur la genèse de cette chanson célèbrissime, disons que là encore, la force d’expression m’a entraîné : j’ai souhaité tout de suite en faire une variation pour chœur qui serait l’introduction – obligatoire – de Dark like me, et présenterait ainsi toute la suite chorale comme une rêverie dont Strange fruit serait le cauchemar ultime. On retrouve plus loin ces incursions dans les domaines de l’imaginaire et du rêve, notamment à la fin de Brass sptittoons mesure 81 et suivantes (le jeune garçon perd connaissance), et dans Daybreak in