A. Portrait d’un personnage (physique, psychologique, évolutif)

Ouvrez le livre « Thérèse Desqueyroux » aux éditions « Le livre de poche », et vous trouverez dans les premières pages, une citation de Baudelaire. « Seigneur, ayez pitié des fous et des folles ». Thérèse est-elle donc une folle voulant empoisonner son mari, porté par un sentiment indéterminé, voire par l’irrationalité même ? J’en doute. Selon moi, ce sentiment de vouloir échapper à un mariage forcé est humain. Mais ce sentiment est vécu sans révolte, la chape est trop lourde et c’est presque par hasard, sans y réfléchir, que Thérèse a l’idée du poison. C’est en tout cas sans passion, sans haine et comme mécaniquement. Et c’est cela qui la rend monstrueuse : sa froideur, son indifférence. Thérèse n’est pas à sa place et manque de repères. Or, dans le livre, Thérèse est souvent présentée comme une possédée. Elle est habitée d’une force étrangère. Si l’on veut comprendre Thérèse, il faut remonter à l’origine. Elle n’a jamais connu sa mère morte au moment de lui donner le jour. Mauriac mentionne d’ailleurs plusieurs fois dans ce roman la fréquence des décès féminins lors des couches. Ce risque ne fera jamais trembler Thérèse mais contribuera à créer en elle le sentiment d’une profonde injustice : la condition féminine, marquée par les dangers de la maternité, n’est pourtant pas reconnue ni appréciée à sa juste valeur par les hommes ! Cette orpheline n’a ensuite aucuns contacts avec son père, qui ne considère pas sa fille comme importante. Il se comporte en père absent : il place son enfant en nourrice, puis en pensionnat, et l’envoyant à Argelouse au moment des vacances. Jamais le père n’a conforté sa fille dans sa féminité, jamais il ne lui a reconnu charme ou intelligence. Thérèse se méfie de la sexualité, de l’attirance idéalisée pour l’autre sexe. Elle ne croit pas au bonheur et à l’épanouissement dans le couple. Cependant, Thérèse n’est pas une Emma Bovary (cfr. Les cours de néerlandais ! ).