Totalitarsime
Après avoir songé à intituler ce roman, écrit entre le 1er septembre 1864 et le 16 mai 1869, les Fruits secs, et après avoir longtemps hésité — au point de demander à son amie George Sand de lui trouver un titre —, Flaubert adopte finalement, «en désespoir de cause», le titre l’Éducation sentimentale, histoire d’un jeune homme: «Je ne dis pas qu’il soit bon, mais jusqu’à présent c’est celui qui rend le mieux la pensée du livre» (lettre à George Sand, 3 avril 1869). L’écrivain reprend ainsi un titre déjà utilisé pour une œuvre de jeunesse — rédigée de 1843 à 1845 — qu’il ne souhaita jamais publier, et qui n’a à peu près de commun avec l’œuvre présente que le titre, le sous-titre étant propre au roman de 1869. La rédaction de l’ouvrage s’accompagne d’une inquiétude tenace concernant un «défaut de conception» que l’auteur perçoit sans parvenir à le corriger: «Je veux faire l’histoire morale des hommes de ma génération; “sentimentale” serait plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion; mais de passion telle qu’elle peut exister maintenant, c’est-à-dire inactive. Le sujet, tel que je l’ai conçu, est, je crois, profondément vrai, mais, à cause de cela même, peu amusant probablement. Les faits, le drame manquent un peu; et puis l’action est étendue dans un laps de temps trop considérable. Enfin, j’ai beaucoup de mal et je suis plein d’inquiétudes» (lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, 6 octobre 1864).
Le roman s’ouvre sur le trajet fluvial du héros, Frédéric Moreau, entre Paris et Nogent. Celui-ci, nouvellement reçu bachelier, retourne dans sa famille avant d’aller « faire son droit ». C’est sur ce bateau qu’il va rencontrer M. Arnoux, qui l’introduira ensuite dans le monde de l’art, et surtout Mme Arnoux, qui va devenir son grand amour. Nous sommes ici au point de passage entre incipit et diégèse, c'est-à-dire entre l’ouverture du roman et le roman proprement dit (=l’histoire). Ce passage oriente ainsi le déroulement du roman. Il s’agira donc de voir en