Tous les matins du monde
Lorsque Alain Corneau évoque l’idée d’un film sur la musique au temps de Louis XIV, sur les liens entre la musique et le pouvoir, Pascal Quignard lui conseille de voir le Grand Siècle par la petite porte des jansénistes, par ceux qui incarnent une forme de rébellion. Tous les matins du monde oppose bien deux espaces, celui de la Cour, lieu où le pouvoir s’exprime dans les apparences et celui de l’austère retraite janséniste. L’œuvre cinématographique donne à voir et les costumes – dont certains sont suggérés par le roman – sont évidemment porteurs de sens. Il s’agit de montrer que vêtements et costumes soulignent l’opposition entre le monde de la Cour et celui de la retraite, entre deux approches de la vie et de la musique.
Deux modes de vie sont représentés à travers les personnages de Tous les matins du monde et à chacun correspond un type de costume illustrant d’une part la retraite janséniste, d’autre part la vie mondaine.
Les costumes donnent d’emblée à voir l’opposition entre la mondanité et la simplicité. Le film souligne ce contraste significatif dès les deux premières séquences. A un Marin Marais vieilli, poudré et portant une imposante perruque, succède Sainte Colombe aux cheveux courts, dans un habit noir avec une fraise discrète, tandis que la voix off fait le lien entre les séquences avec : « Il n’était qu’austérité ». Cette opposition se retrouve dans l’épilogue quand le fantôme de Sainte Colombe apparaît dans le même habit noir Marin Marais dans son habit de courtisan. La simplicité vestimentaire de Sainte Colombe se retrouve dans le personnage de Madeleine, souvent habillée de gris, ce qui révèle son approche janséniste de la vie. Par contre, si les robes de Toinette sont dans l’ensemble assez simples, leurs couleurs vives soulignent une approche plus pragmatique de la vie. Lors de la scène du trio public, Madeleine porte une robe vert sombre et Toinette une tenue rouge