L’inégalité est souvent ressentie comme une injustice. Pourquoi certains pays sont-ils riches et d’autres pauvres ? Pourquoi y a-t-il tout simplement des riches et des pauvres ? Pourquoi, dans un même pays, a-t-on moins de chances d’accéder à un bon statut social quand on naît dans un milieu défavorisé que quand on naît dans un milieu déjà favorisé ? Pourquoi Cendrillon doit-elle faire le ménage pendant que ses belles-sœurs vont au bal ? Par toutes ces questions, nous manifestons notre indignation devant des inégalités de différentes sortes. Nous les trouvons inacceptables parce que nous les considérons comme injustes. Mais qu’est-ce qui, exactement, nous choque dans ces inégalités ? Est-ce le simple fait que tout le monde n’ait pas la même chose ? Le simple fait, par exemple, qu’il y ait des riches et des pauvres, que certains aient des droits que d’autres n’ont pas ? Par la question « pourquoi », ce que nous demandons, c’est une explication d’un état de fait. Nous ne voulons pas seulement savoir quelle est l’origine de cette inégalité ; nous ne serons pas satisfaits si on nous répond que Cendrillon doit faire le ménage parce qu’elle a été recueillie. Ce que nous voulons connaître, c’est le fondement de cette inégalité, la raison qui fait que cette inégalité est justifiée. Nous considérerons dont une inégalité comme juste si elle est justifiée, c’est-à-dire si elle a de bonnes raisons d’exister. Mais qu’est-ce qu’une bonne raison ? Comment faire la différence entre une raison acceptable, recevable, et une raison irrecevable ? Le problème qui se pose à nous est le suivant : qu’est-ce qui peut justifier de ne pas donner la même chose à tout le monde et qui peut en décider ? La justice semble, par défaut, consister à ne pas faire de différence, c’est-à-dire à traiter tout le monde de la même manière. Pourtant, une stricte égalité des droits et de ce qui est attribué ne risque-t-elle pas, du fait des différences entre les hommes, de conduire à l’injustice, au sens