Traduction de la première partie de eveline de james joyce
Peu de gens passaient. L’habitant de la dernière maison regagnait son logis ; elle entendit ses pas qui claquaient le long des lourds pavés, et, plus loin, écrasaient les cendres du sentier, devant les nouvelles maisons rouges. Autrefois il y avait là un champ, dans lequel, chaque soir, elle jouait avec d’autres enfants. Et puis un homme de Belfast avait acheté le champ ; il y avait bâti ces maisons, – non pas de petites maisons brunes comme les leurs, mais des maisons en briques, brillantes, avec des toits luisants. Les enfants de l’avenue avaient l’habitude de jouer ensemble dans ce champ. Les Devines, les Waters, les Dinns, le petit Keogh l’infirme, elle, et ses frères et sœurs. Ernest, pourtant, ne jouait jamais : il était trop grand. Souvent son père les poursuivait et les chassait du champ avec sa canne en épine noire ; mais d’habitude, le petit Keogh montait la garde et criait, quand il voyait le père approcher. Toutefois il lui semblait qu’ils étaient plutôt heureux alors. Son père n’était pas encore aussi méchant ; et de plus, sa mère vivait. Il y avait longtemps de cela. Elle, ses frères et ses sœurs, étaient tous de grandes personnes à présent, et sa mère était morte. Tizzie Dun était morte aussi, et les Waters étaient repartis pour l’Angleterre. Tout change, et maintenant, elle allait partir comme les autres, quitter sa maison.
Sa maison ! Ses yeux firent le tour de la pièce, passant en revue les objets familiers qu’elle avait époussetés chaque semaine pendant tant d’années, se demandant toujours d’où pouvait bien venir toute cette poussière. Peut-être qu’elle ne reverrait plus ces objets familiers dont elle n’avait jamais rêvé qu’elle pût être séparée. Et cependant, tout au long de ces années, elle n’avait jamais appris le nom de ce prêtre,