Traité des seigneuries
« La souveraineté est du tout inséparable de l'État, duquel si elle était ôtée ce ne serait plus un État [...]. La souveraineté est la forme qui donne l'être à l'État.
La souveraineté, selon la diversité des États, se communique aux divers possesseurs d'iceux, à savoir en la démocratie à tout le peuple [...]. En l'aristocratie, la souveraineté réside par devers ceux qui ont la domination qui, pour cette cause sont ordinairement appelés seigneurs. Finalement, ès monarchie, elle appartient au monarque qui, pour cette raison, est appelé prince souverain ou souverain seigneur.
Or, elle consiste en puissance absolue, c'est-à-dire parfaite et entière en tout point, que les canonistes appellent plénitude de puissance ; et par conséquent elle est sans degré de supériorité, car celui qui a un supérieur ne peut être suprême et souverain ; sans limitation de temps, autrement ce ne serait ni puissance absolue, ni même seigneurie, mais une puissance en garde ou en dépôt ; sans exception de personnes, ou choses aucunes, qui soient dans l'État parce que ce qui en serait excepté ne serait plus de l'État. Et comme la couronne ne peut être si son cercle n'est entier, aussi la souveraineté n'est point si quelque chose y [fait] défaut.
Toutefois, comme il n'y a que Dieu qui soit tout puissant et que la puissance des hommes ne peut être absolue tout à fait, il y a trois sortes de lois qui bornent la puissance du souverain, sans intéresser la souveraineté. À savoir les lois de Dieu, parce que le prince n'est pas moins souverain pour être sujet à Dieu ; les règles de justice naturelles et non positives parce que c'est le propre de la seigneurie publique d'être exercée par justice, et non pas à discrétion ; et finalement les Lois fondamentales de l'État, parce que le prince doit utiliser de la souveraineté selon la propre nature et en la forme et aux conditions qu'elle est établie.