Tristan corbiere les amours jaunes
Réglons notre papier et formons bien nos lettres
Vers filés à la main et d'un pied uniforme,
Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton ;
Qu'en marquant la césure, un des quatre s'endorment...
Ça peut dormir debout comme soldats de plomb.
Sur le railway du Pinde est la ligne, la forme ;
Aux fils du télégraphe ; - on en suit quatre, en long ;
A chaque pieu, la rime - exemple : chloroforme.
- Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.
- Télégramme sacré - 20 mots. - Vite à mon aide...
(Sonnet - c'est un sonnet -) ô Muse d'Archimède !
- La preuve d'un sonnet est par l'addition :
- Je pose 4 et 4 = 8 ! Alors je procède,
En posant 3 et 3 ! Tenons Pégase raide :
"Ô lyre ! Ô délire : Ô..." - Sonnet - Attention !
Tristan Corbière, Les Amours jaunes
Le poème est une parodie de la forme du sonnet, qui prétend en donner la définition, à la manière de Boileau : "un sonnet avec la manière de s'en servir".
Tout en se moquant, Corbière reprend les contraintes : "pied uniforme, par quatre en peloton, césure, à chaque pieu, la rime, 4 et 4, 3et 3, lyre".
Il en respecte apparemment les règles, sauf par l'usage de vers impairs : 8,9,11,12.
Il le justifie avec autodérision : "sonnet-c'est un sonnet" et précise "ô lyre, ô délire".
Cependant, on ne peut pas parler de ton lyrique, ni élégiaque, ni de réelle esthétique. La forme est là, mais pas le fond.
Corbière dénature volontairement les grands thèmes de la poésie classique: "le railway du Pinde, exemple ; chloroforme, télégramme sacré, ô Muse d'Archimède, la preuve d'un sonnet est par l'addition".
Le registre de langue est peu soutenu : "ça peut dormir debout, ô délire".
L'emploi de chiffres est assez surprenant et "casse" l'emphase éventuelle.
Corbière s'amuse donc ici à parodier cette forme un peu figée qu'est le