Un coeur intelligent
Ecrit au cours d'une récente retraite imposée par la maladie, le dernier essai d'Alain Finkielkraut est un véritable bonheur de lecture. Aux maladresses, parfois provocatrices, de l'homme médiatique, j'ai toujours préféré la subtile clairvoyance de l'écrivain, surtout quand il parle de littérature, domaine où il allie à une intelligence aiguë une grande sensibilité. Un coeur intelligent trace un magnifique portrait de la littérature sous les traits d' «une médiatrice» seule capable, face au «silence de Dieu», de nous faire «accéder à la grâce d'un coeur intelligent». Et c'est en se fiant à ses émotions que l'auteur a choisi neuf titres qui délivrent des «automatismes de pensée» et nous propose ses lectures. Il nous fait donc partager son cheminement, digressif mais non paresseux car, s'il emprunte des voies de traverse, il n'en avance pas moins au rythme de sa passion, de ses enthousiasmes et de ses révoltes, un rythme qui tient en haleine. Le propos est érudit mais toujours accessible, la langue élégante, précise, imagée, et l'écriture dense et vibrante recourt avec bonheur à la concision de formules, souvent percutantes, associant l'humour et le sérieux.
«La vie n'est pas un roman» dont nous serions le démiurge. Elle «met un malin plaisir à flouer ceux qui s'enorgueillissent d'en façonner le sens»!
Dans La plaisanterie, ce sont bien «les facéties du destin» qui l'emportent sur les blagues et les manigances de Ludvik, un héros dont Milan Kundera s'attache à «démonter les histoires qu'il se raconte» avec un humour qui ébranle les certitudes. Ivan Grigoriévitch, le héros de Tout passe, roman "testamentaire" de Vassili Grossman, se retrouve, lui, plongé dans un «long destin carcéral» pour avoir fait l'éloge de la liberté! Et son retour ne met pas fin à son exil car il découvre qu' «il n'y a pas trace du passé sur le visage de ses contemporains qui vivent en conformité avec le présent» : «Tel est le temps; tout