Un invento maravilloso
La Fille de Christophe Colomb ' est un roman qui, grâce à la mystification mise en oeuvre par le sujet, opère un nihilisme global. La réduction des valeurs s'y trouve impliquée à la fois dans les événements et dans le genre de discours employé par le narrateur. Ce texte dont le récit est divisé en deux parties s'articule sur une série d'oppositions binaires. Ces oppositions s'annulent mutuellement par inversions successives, car il va de soi qu'un simple renversement maintiendrait les deux mêmes pôles, quoiqu'en position contraire. Les «tours de roues» que constituent ces basculements répétés s'anéantissent alternativement et génèrent la force différentielle2 qui confère au texte sa dynamique. Nous qualifions ce mécanisme de jeu (mascarade/ divertissement) dionysiaque: la destruction accomplit l'affirmation dans la négation. Le récit.
Si on considère d'abord l'ensemble du contenu événementiel, on se rend compte que la dichotomie temps/espace se trouve ramenée à une seule dimension grâce au chavirement l'une dans l'autre de ces deux catégories qui organisent l'existence humaine. Dans la première partie, la représentation de
Christophe Colomb (23) installe le passé dans le présent car ce personnage historique vit encore au début du récit ; il rend même visite à un « ex-matelot de la Nina» (19). Par contre, sa mort presque immédiate (26-27) élimine le rappel de cette époque antérieure. La disparition de son père inaugure chez
Colombe une perte d'appartenance (85). Celle-ci parcourt alors le globe pour tenter de s'intégrer à la société contemporaine. L'énonciation au présent, caractéristique du discours du narrateur, masque la progression temporelle des événements qui marquent ce déplacement à travers l'espace. Dans cette première partie, Colombe voyage sans parvenir à son but qui est de trouver l'amitié. De fait, l'amitié n'existe plus puisqu'elle appartient au passé. Un