Verlaine
Le romantisme ne réside pas en telle œuvre, en telle technique ou en tel thème : il est un climat, le climat de la société de tout un siècle, né sous le signe de la Révolution, grandi dans le prestige de Napoléon [...], appelé par les curiosités de l’exotisme, tourmenté par une crise religieuse et morale, qui le cahote de la foi au désespoir, de l’individualisme le plus passionné aux plus larges aspirations humaines (P. Moreau, préface de Musique et littérature sous la monarchie de Juillet, par J.-M. Bailbé).
Cette manière de sentir, ce climat, c’est d’abord un malaise existentiel que vivent les jeunes. C’est l’impression d’être laissés-pour-compte à la fois par l’histoire et par la société de leur temps, d’être incompris. C’est la sensation de vivre dans un monde sans repères. C’est une éternelle incertitude, une éternelle insatisfaction. C’est une sensibilité blessée, une mélancolie exacerbée par l’alternance des désirs et des doutes, des enthousiasmes et des chagrins. C’est, enfin, un profond sentiment d’ennui – c’est le mal du siècle.
Afin de fuir ce sentiment, les jeunes romantiques se replient sur eux-mêmes et donnent prééminence à leur vie intérieure. Afin de l’exorciser, ils écrivent, ils peignent, ils sculptent, ils gravent. Ils ont le sentiment d’être en marge du monde et tentent de tromper leur désarroi en soutenant que la souffrance est le privilège des âmes hors du commun, ce qui les amène, en bout de ligne, à rechercher l’unicité, l’anticonformisme, la marginalité. Paradoxalement, les romantiques souhaitent à la fois entretenir les souffrances de leur âme, qui sont une source d’inspiration, et les apaiser. Cet apaisement trouve deux