Veuves et veuvages de la première guerre mondiale
Lyon (1914-1924)
Peggy Bette
Victimes importantes de la première guerre mondiale, et pourtant longtemps minorées par l’historiographie, les veuves de guerre commencent à trouver leurs historien-nes. Centrée sur le cas de la ville de Lyon, l’étude socio-économique proposée par Peggy Bette met en relief la diversité des situations et valorise ces femmes comme sujets de leur histoire, par-delà la souffrance intime éprouvée et le deuil collectivement partagé. L’historiographie française n’a pas oublié les veuves de guerre, mais les approches qu’elle a privilégiées, la pension et le deuil, en donnent une vision uniforme et misérabiliste. Certain-e-s chercheurs et chercheuses soulignent les principes patriarcaux qui ont présidé à l’établissement de leurs pensions 1 (leurs montants variant selon le grade de l’époux défunt ou cessant d’être revalorisés dès lors que la pensionnée se remarie) et en ont fait des victimes des hommes, tandis que d’autres s’attachent à comprendre la spécificité de leur deuil et ses différentes étapes 2, et ne les envisagent alors que comme des victimes de guerre. Dans ces deux perspectives, les sept cent mille veuves de guerre françaises de la première guerre mondiale sont avant tout des victimes féminines sans visage et sans capacité d’action personnelle. Contrairement aux anciens combattants et orphelin-e-s de guerre 3, aucune étude socioéconomique n’est venue nuancer ce tableau et en redessiner le contour. Que sait-on en effet de leur âge, des professions qu’elles exercent, des liens familiaux ou associatifs qu’elles tissent ? Que sait-on des stratégies qu’elles élaborent et mettent en œuvre pour s’adapter à leur nouvelle vie ? Quelles en sont la ou les singularité(s) ? Les cas de veuvages de guerre étudiés ici illustrent les réactions de femmes domiciliées dans l’une des plus grandes villes de France : Lyon. Leurs situations ne sont donc pas celles de la majorité des veuves de guerre qui