Victor hugo ultima verba
Victor Hugo_Ultima verba
Introduction
Ce dernier poème du livre 7, dont le titre signifie justement " Dernières paroles ", a été écrit alors qu'une amnistie était proposée aux proscrits qui feraient acte de soumission à l'empereur. Nous sommes en décembre 1852 et Hugo sait que certains exilés rentrent alors en France. Le texte a donc un double destinataire : Louis-Napoléon d'abord mais aussi les autres bannis dispersés en Algérie ou à Cayenne. Il a d'ailleurs toutes les caractéristiques d'une " lettre ouverte ", c'est-à-dire d'un écrit adressé à un lecteur précis et, au-delà, à un public prêt à entendre une argumentation et une critique.
1. L'art du rhétoricien
Les destinataires du texte sont d'emblée nommés : " Mes nobles compagnons " (vers 1). L'adjectif épithète souligne la force des liens tirés d'une expérience passée et commune. Il ménage en outre, par avance, les susceptibilités que certains arguments à venir risque de provoquer. Ainsi, Hugo se sert de la prétérition : il feint de ne pas vouloir dire ce que, néanmoins, il va dire clairement et avec force. Cela peut se traduire ainsi : " Je vous annonce que je ne vais pas vous accuser de céder à l'offre qui vous est faites et pourtant je vais multiplier les arguments en faveur du non à l'offre qui nous est faite ". " Nobles ", ces compagnons ont partagé avec le poète une décision unique (compagnon signifie originellement d'ailleurs avec qui on partage le pain) :
Bannis, la République est là qui nous unit. (vers 2)
C'est au souvenir de cette expérience passée que le poète en appelle pour refuser de rentrer. Il s'agit de susciter et la réflexion (mêlée de provocation) et l'émotion, dans un savant dosage.
Cette première strophe est donc entièrement au service d'un art oratoire du plus saisissant effet. En effet, la prétérition est un procédé très rhétorique. Il ouvre une brèche entre ce qui est dit (l'énoncé) et l'action d'énoncer (l'énonciation) sur laquelle Hugo attire fortement