Victor hugo
« Demain, dès l’aube... » [daté de 1847]
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
*
Victor Hugo, Toute la lyre [recueil posthume ; 1888 et 1893 / refonte en 1897]
J’aime un petit enfant, et je suis un vieux fou.
– Grand-père ? – Quoi ? – Je veux m’en aller. – Aller où ?
– Où je voudrai. – Partons. – Je veux rester, grand-père.
– Restons. – Grand-père ? – Quoi ? – Pleuvra-t-il ? – Non, j’espère.
– Je veux qu’il pleuve, moi. – Pourquoi ? – Pour faire un peu
Pousser mon haricot dans mon jardin. – C’est Dieu
Qui fait la pluie. – Eh bien, je veux que Dieu la fasse.
– Mais s’il ne voulait pas ? - Moi, je veux. Si je casse
Mon joujou, le bon Dieu ne peut pas m’empêcher.
Ainsi... – C’est juste. Il va peut-être se fâcher,
Mais passons-nous de lui. – Pour qu’il pleuve ? – Sans doute.
Viens, prenons l’arrosoir du jardinier Jacquot,
Et nous ferons pleuvoir. – Où ? – Sur ton