Victor hugo
Dans Les Châtiments, poèmes de l'exil parus en 1853, Hugo "ajoute à sa lyre une corde d'airin". Ce recueil est un acte de résistance du poète contre le coup d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte (le 2 décembre 1851).
1 Un jour, maigre et sentant un royal appétit, Un singe d'une peau de tigre se vêtit. Le tigre avait été méchant, lui, fut atroce. Il avait endossé le droit d'être féroce. 5 Il se mit à grincer des dents, criant : je suis Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits ! Il s'embusqua, brigand des bois, dans les épines ; Il entassa l'horreur, le meurtre, les rapines, Égorgea les passants, dévasta la forêt, 10 Fit tout ce qu'avait fait la peau qui le couvrait. Il vivait dans un antre, entouré de carnage. Chacun, voyant la peau, croyait au personnage. Il s'écriait, poussant d'affreux rugissements : Regardez, ma caverne est pleine d'ossements ; 15 Devant moi tout recule et frémit, tout émigre, Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre ! Les bêtes l'admiraient, et fuyaient à grands pas. Un belluaire1 vint, le saisit dans ses bras, Déchira cette peau comme on déchire un linge, 20 Mit à nu ce vainqueur, et dit : tu n'es qu'un singe.
Jersey, septembre 1852. [6 novembre 1852.]
1. : Gladiateur.
Victor Hugo, Les Châtiments, III.
Fable ou Histoire
Ce texte extrait du livre III "La famille est restaurée" de Victor Hugo, homme politique, écrivain et véritable chef de file des romantiques, est un exemple d'utilisation de l'ironie pour exercer la satire contre Napoléon et notamment contre son coup d'Etat du 2 décembre 1804. On rappellera la définition d'une fable : c'est un petit récit en prose ou en vers destiné à illustrer un précepte.