Victor le marronnier, rêve d'enfant
Bien sûr, à cette époque, mon tronc n'était pas aussi large et mes ramures ne traversaient pas l'actuelle terrasse.
Durant ces longues années, j'en ai écouté des conversations, saisi des regards lourds de conséquence(s), supporté des silences qui en disaient long. Je n'étais qu'un arbre en devenir destiné à faire de l'ombre.
De toutes les choses qu'il m'ait été données d'écouter, puisque personne ne faisait attention à moi, je me délectais déjà tout jeune, des rêves de chacun, lors de conversations privées. C 'était important pour moi, car le tronc rivé au sol, mon horizon ne dépassait pas les Monts d'or et les moments d'évasion étaient rares, hormis lorsqu'un bel arc en ciel venait signer une belle journée de printemps.
C'est ce sentiment de ne pouvoir échapper à mon destin, d'être à jamais au même endroit, qui m'a amené , à m'évader, comme vous le faites, vous humains, par la force de la pensée.
Il ne faut pas croire que j'ai toujours réfléchi comme ça. C'est certainement un certain sens de l'observation et de curiosité bien placée, qui m'a poussé à m'intéresser aux concepts et aux gens.
Observer et rêver m'ont alors sorti d'un quotidien et permis certainement d'atteindre mon grand âge avec autant de facilité, que même aujourd'hui j'ai l'impression d'être un jeune arbuste. Je sortais de ma condition pour créer le monde à ma façon : arrêter de ne faire que de l'ombre mais plutôt éclairer les esprits par l'observation et la pensée. Oui, il n'y a pas que les humains qui ont besoin de satisfaire des besoins autres que vitaux ( manger, boire, dormir).
Les besoins spirituels sont aussi devenus nécessaires à mon épanouissement. Le rêve d'évasion que j'avais - partir, voler comme ces oiseaux séjournant dans mes branches - s'est matérialisé d'une manière différente, mais tout aussi efficace. L'évasion par l'esprit s'est imposée à moi comme une