Vivre de la politique. les «quinze mille», le mandat et le métier.
Vivre de la politique. Les «quinze mille», le mandat et le métier.
Alain Garrigou [7-34].
En novembre 1906, est votée l'augmentation de l'indemnité parlementaire qui passe de 9 000 à 15 000 francs. L'événement sans grandeur législative, déclenche pourtant, sous l'effet de campagnes de presse, les passions : il peut être analysé comme un moment capital du processus de professionnalisation politique, c'est-à-dire un de ces moments où le processus social long et diffus de remplacement des notables par les entrepreneurs politiques est soudain révélé, et se prête donc particulièrement à l'analyse. Faire de la profession politique une activité rémunérée à plein temps : la revendication est dénoncée comme «corporatiste» par certains, jugée inavouable pour nombre de députés qui tenteront de la légitimer tout à la fois comme condition de la démocratie et comme garantie de la compétence de l'élu. C'est bien la redéfinition d'un métier qui s'opère dans la controverse sur l'indemnité parlementaire.
SALLE COMBLE», «députés presqu'au complet», -nombreux public«1 énumérait le quotidien Le Journal en décrivant ce qui semblait être une grande journée parlementaire. Les comptes rendus n'allaient pas sans ironie. Le Matin était plus suggestif : «Beaucoup de dames dans les tribunes. Les méchantes langues prétendent même que ces dames sont celles qui sont les plus intéressées à la question. Elles surveillent le vote de leur mari»2. La séance du 30 novembre 1906 était en fait consacrée à une question qui aurait dû demeurer mineure si elle n'était devenue délicate. Si l'augmentation de l'indemnité parlementaire suscite alors autant d'attention, c'est qu'on s'était appliqué à la détourner3. Le 22 novembre 1906, sur proposition du président de la commission de
Comptabilité, le radical Baudon, la Chambre des députés avait augmenté l'indemnité parlementaire de 9 000 à 15 000 francs par an. Examinée selon la procédure d'urgence, votée à main levée, approuvée par le Sénat le