Vivre de la politique
En novembre 1906 est votée l’augmentation de l’indemnité parlementaire qui passe de 9 000 à 15 000 francs. L’évènement peut être analysé comme un moment capital du processus de professionnalisation politique (cf. l’une des dynamiques de l’Etat moderne décrite par Noiriel). On a fait de la politique une activité rémunérée à plein temps. Il s’agit bien là de la redéfinition d’un métier qui s’opère dans la controverse sur l’indemnité parlementaire. Vivre de la politique, tel était le principe qu’établissait définitivement le vote des quinze mille francs de 1906.
La mesure a d’abord été votée à main levée par l’assemblée puis approuvée par le Sénat le même jour, avant d’être promulguée dès le lendemain. On y est cependant revenu vite et bruyamment quelques jours plus tard. Une partie de la Presse a attaqué avec violence l’augmentation de revenus que les députés s’étaient accordée. Elle dénonçait un « complot dirigé contre la bourse des contribuables » (La libre Parole). Une partie de l’opinion publique s’est alors également élevée contre cette augmentation en traitant les députés de «fumistes », « pitres » ou encore de « voyous ».
De par cette augmentation de l’indemnité, ceux qui vivaient « pour la politique » avaient laissé place à ceux qui prétendaient vivre « de la politique » pour reprendre la formulation de Max Weber qui analysait à partir de cette distinction non exclusive le remplacement des notables par les entrepreneurs politiques.
En outre, le lien entre démocratie et indemnité parlementaire est devenu si évident qu’on associe souvent cette dernière au suffrage universel. Quitte à faire coïncider parfois et par erreur son adoption avec l’institution du suffrage universel en 1948, quitte encore à oublier que le principe d’indemnisation a précédé la démocratie représentative.
Le débat de 1906 n’est pas seulement intéressant parce qu’il inaugure un processus mais