Une narration exemplaire Le récit de la venue d’Aotourou en France intervient dans un chapitre initial dont la vocation est de préparer le lecteur à ce qui va suivre (valeur programmatique). Mais avant tout, ce premier chapitre est une sorte de récit-cadre, où la conversation lettrée et savante entre les deux devisants s’appuie d’abord sur le Voyage de Bougainville, puis sur le Supplément au Voyage de Bougainville dont la lecture va commencer juste après le passage qui nous intéresse. Ainsi, cette narration a une double vocation : elle annonce ce qui va suivre et s’inscrit dans un dialogue où A et B échangent des idées.a. Un exemple démonstratif Bien que le passage soit strictement circonscrit, il est utile de le recontextualiser pour mieux le comprendre. Le Supplément… est une narration brève (5 chapitres) dans laquelle la lecture de chapitres fictivement écartés du Voyage de Bougainville est commentée par deux devisants. Les passages prétendument mis au rancart et récupérés par B (chapitre II, ch. III, ch. IV) sont lus par A et B puis commentés (ch. I, ch. II, ch. III, ch. V). Diderot a donc construit son récit sur plusieurs niveaux : la rupture principale est celle entre le dialogue de A et B et le « Supplément ». Mais ce qu’a vécu Bougainville peut tout aussi bien être évoqué comme une espèce de souvenir dans une conversation. C’est le cas de l’histoire d’Aotourou dans le passage qui nous intéresse. L’histoire d’Aotourou intervient à la fin de la conversation initiale entre A et B. Elle fait donc suite à une série d’arguments qui lui donnent tout son sens, de même, comme nous le verrons ensuite (b.), que la lecture du « supplément » la continue. Les questions de Aportent successivement sur Bougainville, sur son voyage, et sur les « choses singulières » qu’il contient. Le récit de l’aventure d’Aotourou est donc le quatrième sous-thème de la conversation entre A et B. Tous ces sous-thèmes sont liés à un hyperthème qui