En apparence, la fin du 19e siècle a été une époque très prospère et tout à fait dépourvue d'inquiétudes. Mais les artistes et les écrivains ne s'y sentaient pas à l'aise; les buts et les méthodes du genre d'art que réclamait le public leur étaient de plus en plus étrangers. C'est dans l'architecture que ce malaise se manifestait de la façon la plus criante. Construire n'était plus qu'une routine vide de sens. On continuait à bâtir les maisons de rapport, les usines et les édifices publics de tant de villes en plein développement dans des styles disparates sans rapport avec la fonction de chaque édifice. Souvent, on aurait dit que les ingénieurs, après avoir élevé un bâtiment répondant, par sa structure, aux exigences de son utilisation, avaient jugé convenable de plaquer un peu d'« art» sur la façade en y ajustant tant bien que mal quelques ornements tirés d'un recueil de modèles de décoration «de style ». La plupart des architectes se contentaient parfaitement de cette manière de faire. Le public voulait des colonnes, des pilastres, des corniches et des moulures, eh bien, il en aurait. Mais, vers la fin du siècle, de plus en plus nombreux furent ceux qui saisirent l'absurdité de tout cela. En Angleterre, en particulier, naissait, parmi la critique et les artistes, un sentiment de regret devant le déclin général de l'artisanat, conséquence de la révolution industrielle. Ces hommes étaient dégoûtés par cette profusion d'imitations mécaniques, de pacotille, d'ornements qui, jadis, avaient eu leur sens et leur noblesse. Certains, comme Ruskin et William Morris, rêvaient d'une réforme profonde, d'une restauration d'un métier authentique et consciencieux qui pût éliminer la production mécanique à bon marché. Ces critiques portèrent et furent suivies d'effets, bien qu'hélas, le modeste artisanat qu'elles préconisaient apparût bientôt, dans l'économie moderne, comme le plus grand des luxes. Ces campagnes ne pouvaient certes pas faire renoncer à la production industrielle