A chacun sa vérité : les sources et la légitimité de cette formule
L'opinion commune soutient que l'on peut légitimement dire « à chacun sa vérité ». Elle voit en effet dans cette formule une preuve de tolérance qui s'opposerait à l'arrogance du dogmatisme. Mais. ne conviendra-t-il pas de rectifier et même de renverser cène opinion ?
Avant toute chose nous pourrons commencer par en rechercher la généalogie. Ne faudra-t- il pas alors se tourner vers la pensée des Sophistes et analyser leur relativisme ?
Il sera nécessaire, pour finir, de montrer que la formule n'est pas légitimement recevable.
Pourquoi ne peut-on pas dire « a chacun sa vérité " ?
1 - COMMENT DIRE « A CHACUN SA VERITE » ?
Commencer par exposer l'opinion communément admise : dire « à chacun sa vérité », se présente comme une maxime de tolérance. Elle met en évidence la nécessité d'accepter la diversité des points de vue. Mais d'où cette opinion provient-elle, où plonge-t-elle ses racines ?
Elle prend source dans la pensée des Sophistes. En effet, lorsque Protagoras déclare
« L'homme est la mesure de toutes choses», il donne explicitement à penser que chacun de nous sommes dépositaires, détenteur d'une vérité. Mais qui son] les Sophistes ? Ce sont des intellectuels qui faisaient profession de vendre leur savoir : lu rhétorique ou art de persuader, à qui voulait réussir une brillante carrière publique. Le moyen des Sophistes est le langage, et très précisément l'éloquence. Il s'agit d'utiliser le langage comme moyen, comme arme pour gagner une cause.
Mais l'art de persuader ne fait-il pas bon marché de la vérité ? Dans la rhétorique ce qui compte, ce n'est pas ce que l'on dit. mais la manière dont on le dit. Les Sophistes qui tout grand usage de la rhétorique, ne s'occupent que de Informe du discours, et pas du tout de sa valeur de vérité. Il faut persuader l'auditoire (et non le convaincre), par un discours qui donne toute l’apparence de la rationalité afin de flâner sa sensibilité. La rhétorique est une