A Napoléon
De lumière et d’obscurité,
De néant et de gloire étonnant assemblage,
Astre fatal aux rois comme à la liberté;
Au plus haut de ton cours porté par un orage,
Et par un orage emporté,
Toi, qui n’as rien connu, dans ton sanglant passage,
D’égal à ton bonheur que ton adversité;
Dieu mortel, sous tes pieds les monts courbant leurs têtes
T’ouvraient un chemin triomphal;
Les élémens soumis attendaient ton signal;
D’une nuit pluvieuse écartant les tempêtes,
Pour éclairer tes fêtes,
Le soleil t’annonçait sur son char radieux;
L’Europe t’admirait dans une horreur profonde,
Et le son de ta voix, un signe de tes yeux,
Donnaient une secousse au monde.
Ton souffle du chaos faisait sortir les lois;
Ton image insultait aux dépouilles des rois,
Et, debout sur l’airain de leurs foudres guerrières,
Entretenait le ciel du bruit de tes exploits.
Les cultes renaissans, étonnés d’être frères,
Sur leurs autels rivaux, qui fumaient à la fois,
Pour toi confondaient leurs prières.
Conservez, disaient-ils, le vainqueur du Thabor,
Conservez le vainqueur du Tibre;
Que n’ont-ils pour ta gloire ajouté plus encor:
Dieu juste, conservez le roi d’un peuple libre!
Tu régnerais encor si tu l’avais voulu.
Fils de la Liberté, tu détrônas ta mère.
Armé contre ses droits d’un pouvoir éphémère,
Tu croyais l’accabler, tu l’avais résolu!
Mais le tombeau creusé pour elle
Dévore tôt ou tard le monarque absolu;
Un tyran tombe ou meurt; seule elle est immortelle.
Justice, droits, sermens, peux-tu rien respecter?
D’un antique lien périsse la mémoire!
L’Espagne est notre soeur de dangers et de gloire;
Tu la veux pour esclave, et n’osant ajouter
À ta double couronne un nouveau diadème,
Sur son trône conquis ton orgueil veut jeter
Un simulacre de toi-même.
Mais non, tu l’espérais en vain.
Ses prélats, ses guerriers l’un l’autre s’excitèrent,
Les croyances du peuple à leur voix s’exaltèrent.
Quels signes précurseurs d’un désastre prochain!
Le beffroi,