a quoi bon travailler
1 – La conception moderne du travail face à la distinction prémoderne entre les travaux des basses castes et des tâches nobles.
L’antiquité et le moyen âge ont associé telles castes à telles tâches. La caste ecclésiale avait une tâche de mémoire et de connaissance qui était la plus respectée étant donné qu’elle reliait les activités terrestres et célestes. La caste aristocratique avait prioritairement une tâche guerrière et judiciaire essentielle au respect de l’ordre terrestre. Les marchands, les artisans, les paysans avaient une tâche économique subalterne. Enfin les serviteurs, les serfs, les esclaves étaient ceux qui travaillaient.
Ce que nous considérons comme caractéristique du travail faisant appel à des compétences surtout physiques était donc la tâche des basses castes.
Dans la cité grecque antique, les tâches les plus nobles étaient des loisirs (scholè en grec qui est à l’origine du mot école ou plus nettement scolaire…) tandis que les tâches subalternes étaient un travail.
Dans la Bible elle-même on retrouve une telle approche : d’une part l’homme est invité par Dieu à dominer la nature et d’autre part il est condamné à gagner sa vie à la sueur de son front.
Hannah Arendt clarifie ainsi la distinction entre activité noble et travail jusqu’au cœur de nos sociétés modernes :
« Plus proche, également décisif peut-être, voici un autre événement non moins menaçant. C’est l’avènement de l’automation qui, en quelques décennies, probablement videra les usines et libérera l’humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail, l’asservissement à la nécessité. Là, encore, c’est un aspect fondamental de la condition humaine qui est en jeu, mais la révolte, le désir d’être délivré des peines du labeur ne sont pas modernes, ils sont aussi vieux que l’histoire. Le fait même d’être affranchi du travail n’est pas nouveau non plus ; il comptait jadis parmi les privilèges