L'accident
Une pièce d'Eric Beauvillain
Solange et Raymond entrent.
Solange : Tiens, assied-toi là... Il ne devrait plus tarder maintenant...
Raymond : Qu'importe... Le temps qui passe, file comme l'onde que l'on ne retient pas...
Solange : Non mais quelle idée tu as eue d'aller réparer cette ampoule sans même prendre de chaise !
Raymond : L'élévation humaine, plus proche de la lumière avec ses seules ressources pour y parvenir...
Solange : Ça ne va pas mieux... Franchement, Raymond, tu m'inquiètes...
Raymond (qui va passer de l'euphorie aux pleurs désespérés): Mais pourquoi s'inquiéter ? Tout est si beau, la vie, un vol de papillon, deux regards qui s'entremêlent... L'amour emplit le monde quand on y regarde bien ; c'est un océan de bonheur sans fin, aussi long qu'un horizon sur une mer calme et sereine. C'est si beau ! Oh ! Mais pourquoi tant de beauté que l'homme se plaît à détruire sous le pied amer de son incapacité à aimer !
Solange : Bon, alors là, tu commences même à me faire peur...
Raymond : C'est si triste...
Solange : J'entends une voiture. Ça doit être le docteur... Ne bouge pas, je reviens.
Solange sort.
Raymond : Quel barbare couperait les ailes de l'hirondelle plutôt que d'en admirer le vol ? Et quel inconscient laisserait filer la beauté par la haine ou la jalousie ?
Raymond s'abîme dans son désespoir quand Solange et le docteur entrent.
Solange : Merci d'être venu si vite.
Docteur : Votre appel m'avait l'air tout ce qu'il y a d'urgent...
Solange : Oh ! Oui ! Je ne l'ai jamais vu comme ça ! Lui qui est d'habitude si ordonné, si rigoureux... Tenez : il planifie sa journée à cinq minutes près. Et il sait ce qu'il fait ! Dix heures, tonte du gazon ; dix heures cinquante, nettoyage de la tondeuse ; dix heures cinquante cinq, lavage de main ; onze heures, rangement du premier tiers du garage... C'est comme ça tous les jours ! Et il s'y tient, vous savez ? Il ne dépasse jamais les horaires