L’amour est-il aveugle ? Philosopher c’est rechercher la clarté du vrai et surmonter l’obscurité, l’illusion. C’est travailler à se transformer soi-même pour se libérer des erreurs. Telle est la tradition philosophique inaugurée par Platon. Mais il faut aimer pour suivre cette voie : ainsi l’amour peut être aveugle au sens positif d’une extension, car il ne fait pas de différence entre les êtres, il égalise dans une même justice universelle. Il faut aimer le vrai pour lui-même, accepter de rejeter l’incertain. L’amour est alors un sentiment qui nous emporte, avec le désir renouvelé, de libérer l’esprit et le cœur. Mais n’y a-t-il pas un paradoxe puisque l’amour, au principe même de notre désir de libération, reste cependant une sorte d’aveuglement ? Analyse et construction du problème. Par ≠ à l’amitié, l’amour se présente comme une menace car il fragilise l’espace des relations. D’abord, il établit des inégalités, préférences & rejets. Il paraît anarchique et injuste: il pose un centre de valeur à partir duquel tout est mesuré : l’être aimé. Mais pourquoi le modèle de l’échange serait-il “neutre” ? Aimer revient à donner ses faveurs de manière sélective et parfois jusqu’à l’injustice. Il menace l’identité quand il devient passion : une maladie de l’âme, dit Kant. C’est le négatif. Dire que l’amour est aveugle (par nature) c’est le réduire à sa partie négative : le mal. L’inverse n’est pas meilleur : cela reste tout aussi unilatéral. D’où la double impasse à remarquer : • Si l’amour est aveugle ce n’est pas de l’amour, à proprement parler, parce qu’on n’aime pas n’importe qui. • Si maintenant l’amour est élection, ce n’est plus amare mais plutôt eligere. On peut se poser la question de la valeur d’un amour quand il n’est pas aveugle. Est-ce qu’il peut être motivé ou encore intéressé ? Dans ce cas, est-ce de l’amour ? On voit qu’il y a dans l’amour quelque chose qui participe de l’aveuglement car le sujet amoureux, tout en sachant qu’il aime, est