L'art
Dans les années 1920/1930, l’Union Soviétique se voulait « progressiste » ; conformément à la pensée marxiste, elle allait « dans le sens de l’histoire » ; or, dans une telle perspective, le « Progrès » a besoin de tous, de l’activité de tous les hommes ; dans ces conditions, la « machine » soviétique exigeait les efforts des ouvriers, des paysans, des ingénieurs, des militaires, des membres du Parti… Il s’agissait de « construire un pays nouveau, un homme nouveau ». Mais les artistes ? Selon une représentation commune, les artistes jouissent d’une absolue « liberté créatrice », et l’on ne saurait rien exiger d’eux. Or, l’exemple donné plus haut révèle que parfois la société exige un tel engagement de la part des artistes eux-mêmes –et cela n’est pas seulement vrai des sociétés du bloc soviétique. Cette exigence est-elle légitime ? Peut-on exiger des artistes qu’ils s’engagent, comme d’autres, dans la « voie du Progrès » ? Certes, une telle question n’a de sens que pour nos sociétés, qui ont, au moins à partir du XVIIIème siècle, mis l’accent sur « le Progrès » ; mais elle a cependant une pertinence, dans le sens où nul n’échappe aux exigences sociales…
Nous examinerons d’abord sur quoi s’appuie cette exigence, lorsqu’elle est formulée : sur le critère de l’utilité ? Sur la conscience aiguë des artistes ? Dans un second moment, nous ferons l’analyse critique de cette exigence, en repérant ses dévoiements, les conséquences auxquelles elle porte fatalement. Enfin, nous aurons à rappeler –car tel nous semble être l’enjeu du problème- l’autonomie de l’artiste, sa nécessaire indépendance –non par rapport à toutes les exigences sociales, mais par rapport à celles qui voudraient en faire un simple « serviteur » du Progrès…
Dans un premier temps, et pour prendre la mesure du problème, nous nous demanderons d’où provient une telle exigence, et au nom de quoi elle est