L'essor technologique et l'idée du progrès
Longtemps, le développement de la technique s’est fait quasiment sans bornes ni limites. Le présupposé d’un progrès, à la fois fin (but de l’action technique) et produit (résultat obtenu grâce à son intervention), lui conférait un pouvoir souverain. Conçue comme autorégulatrice et, de plus en plus, comme autofinalisée, la technique a répondu à sa propre expansion ou à des besoins par elle-même créés, dans une logique de surenchère, ou dans une forme de fascination narcissique, sans réfléchir aux conséquences, parfois tragiques, de certains de ses développements. Les nombreuses dérives déjà constatées (eugénisme, catastrophes ou armes nucléaires, pollution et extinction des ressources naturelles) témoignent de ce statut de quasi transcendance acquis par la technique et aujourd’hui seulement, partiellement contesté. De plus en plus, l’écart manifeste entre le prétexte du développement technique, le progrès, et la réalité de ses effets, qui peut être celle d’une dégradation de l’environnement, d’une aliénation de l’homme, d’une destruction des ressources ou du cadre de vie de certaines populations, nous amène à nous interroger sur les limites morales, politiques, juridiques à imposer à ce pouvoir démiurgique. Désormais, le progrès technique n’est donc plus nécessairement assimilé à un progrès pour l’être humain, il peut constituer une menace pour sa liberté, son autonomie, son intégrité corporelle, et plus radicalement pour son humanité. À moins peut-être d’envisager une nouvelle humanité créée par la technique comme le summum du progrès, perspective que certains défendent aujourd’hui. L’enjeu contemporain est celui d’une « critique de la raison technique » : analyser l’impératif matériel d’un développement technique et ses conditions de possibilités, le repenser dans le cadre d’une rationalité non plus seulement pratique, efficiente mais obéissant également à des considérations éthiques. Il est donc important de souligner la