L'illusion postcoloniale de la démocratie en mauritanie
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Zekeria Ould Ahmed Salem
La démocratisation en Mauritanie
Une « illusio » postcoloniale 1 ?
L’analyse « transitologique » se borne le plus souvent à mesurer la réussite ou l’échec des processus de démocratisation. Fondé sur un parti pris méthodologique différent, ce texte scrute plutôt ce qui se joue dans l’entre-deux équivoque de la libéralisation et de la restauration autoritaire en Mauritanie. Avançant l’hypothèse que la démocratie, dans ce pays, relève d’une « illusio » postcoloniale, il souligne l’ambivalence fondamentale de ce processus où se manifeste la connivence du pouvoir et des simples citoyens.
« En Mauritanie, que la démocratie avance ou recule, on s’en moque complètement : on n’est pas dedans. » Habib Ould Mahfoudh 2
Vue de loin, l’expérience pluraliste mauritanienne ne diffère en rien de celle de nombre de ses homologues africains : elle reproduit à l’identique le scénario maintenant bien connu de l’ouverture politique contrôlée à la restauration autoritaire 3. Issu du coup d’État militaire du 12 décembre 1984, le régime qui a décrété, le 15 avril 1991, l’ouverture pluraliste a fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation, qui lui a permis de se perpétuer et de survivre bon an mal an. Mieux, la réussite de ce qui a été vécu avant tout comme un test de passage a été telle que les autorités n’ont guère hésité à donner la date symbole du 12 décembre (1997) pour l’organisation des secondes élections présidentielles
1. Ce texte est le résultat d’une enquête de longue durée (1991-1999) dont les premiers éléments ont déjà été présentés dans Z. Ould Ahmed Salem, « Jours d’élections à Nouakchott. Lectures en contre-pente des élections législatives d’octobre 1996 », Annuaire de l’Afrique du Nord, XXXV, 1996, pp. 639-669. 2. « Mauritanides », Le Calame, vol. 126, n° 3.2, 1996, p. 6. 3. Voir le dossier de Politique africaine, « La Mauritanie », n° 55, oct. 1994.
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de l’ère «