L'oeil et l'esprit
D’emblée, Carlos Kusnir, avec les œuvres J’aurais voulu être un artiste, 1999 deux motifs peints sur toile de petits formats d’où s’échappe la chanson du même titre ; et Superman, 1999 qui sous le sigle de Superman émet la musique des choeurs de l’armée rouge, met en scène sa destinée. Surdoué de la peinture, il s’en joue et elle se joue de lui : tout est dit... avec humour et dérision, avec conviction, avec force, en sachant déjà que tout est vain.
La scène est donc une fiction, un conte, un tableau...
Tel un combattant désarmé qui s’avance contre les moulins à vent, Carlos Kusnir installe ses grands panneaux peints, Sans titre 2002, au centre de la salle d’exposition : posés de guingois sur des pots de peinture ou des seaux en plastique, ils semblent au bord de la catastrophe ; la peinture dégouline un peu depuis une bassine accrochée au sommet sur le premier motif finement peint, la salle est baignée d’une petite musique de Scriabine. Le décor est planté et la scène de son autodestruction commence.
Refusant définitivement de coller ses peintures au mur de peur qu’elles n’y disparaissent, par peur de la figure imposée qui résonne comme la peur de la mort, c’est bien une peinture qui n’est que vie qu’il « installe » de façon naturelle. Matériaux pauvres, contreplaqué déglingué, chutes de bois ou objets hétéroclites, chaises ou balai, bandes sonores issues de la variété française accompagnent le tableau ; la peinture, à priori genre noble, est plongée dans la vie même qui est beaucoup moins «propre ». C’est en la mettant en danger, en équilibre incertain, en l’appuyant au mur simplement, en voulant l’extirper du contexte du musée, de l’exposition conventionnelle (comme il l’a fait dans la ville, en 1999 à Saint-Nazaire ou à Marseille en 2003) que Carlos Kusnir la donne à voir. (Sans