L'oeuvre de zola
(pages 344-345, chapitre XII)
Claude s'enfermant dans sa solitude et son entêtement artistique, Christine, éprouvée par la mort de Jacques, la misère du ménage, excédée, explose et crie à Claude une vérité trop longtemps contenue :
«"Eh bien, non, je ne te foutrai pas la paix !… En voilà assez, je te dirai ce qui m’étouffe, ce qui me tue, depuis que je te connais…Ah cette peinture, oui ! ta peinture, c’est elle l’assassin, qui a empoisonné ma vie. Je l’avais pressenti le premier jour, j’en avais eu peur comme d’un monstre, je la trouvais abominable, exécrable ; et puis, on est lâche, je t’aimais trop pour ne pas l’aimer, j’ai fini par m’y faire à cette criminelle… Mais, plus tard, que j’ai souffert, comme elle m’a torturée ! En dix ans, je ne me souviens pas d’avoir vécu une journée sans larmes… Non, laisse-moi, je me soulage, il faut que je parle, puisque j’en ai trouvé la force. Dix années d’abandon, d’écrasement quotidien ; ne plus rien être pour toi, se sentir de plus en plus jeté à l’écart, en arriver à un rôle de servante ; et l’autre, la voleuse, la voir s’installer entre toi et moi, et te prendre, et triompher, et m’insulter… Car ose donc dire qu’elle ne t’a pas envahi membre à membre, le cerveau, le cœur, la chair, tout ! Elle te tient comme un vice, elle te mange. Enfin, elle est ta femme n’est-ce pas? Ce n’est plus moi, c’est elle qui couche avec toi… Ah ! maudite ! Ah ! gueuse ! "
Maintenant, Claude l’écoutait, dans l’étonnement de ce grand cri de souffrance, mal réveillé de son rêve exaspéré de créateur, ne comprenant pas bien encore pourquoi elle lui parlait ainsi. Et, devant cet hébètement, ce frissonnement d’homme surpris et dérangé dans sa débauche, elle s’emporta davantage, elle monta sur l’échelle, lui arracha la bougie du poing, la promena à son tour devant le tableau.
"Mais regarde donc ! mais dis-toi donc où tu en es ! C'est