L'équivoq
0. Quel est l’animal qui marche à quatre pattes le matin, à deux pattes l’après-midi et, le soir venu, marche à trois pattes ? L’énigme, comme figure de la confusion pour celui qui ne la lève pas, est le miroir de l’équivoque. Elle pose un sens qui ne peut être atteint que par le regard indirect, métaphorique, de celui qui voit plus loin : le double sens, l’altérité du questionnement, la chose que la voix cache. Le Sphinx, qui est également une sphinge, n’existe que par la voie de ce double sens, de cette double possibilité d’être, ni l’un ni l’autre, un autre qui naît de cette hésitation. Interpréter est, dès lors, situer le discours dans le littéral ou dans le référentiel, dans les mots ou dans les choses. Aucune ambigüité, puisqu’il y a décision d’une double entente, puisqu’il y a présence d’un sujet ludique qui fait du jeu un « dérailleur » du sens.
1. L’équivoque se construit dès le « Je est un autre » de Rimbaud comme une figure essentielle du texte littéraire.
2. Talleyrand écrivait que « La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée ». Écrire, parler, au-delà de toute communication utilitaire, c’est dissimuler, c’est montrer le vide où se cache ce qui ne peut jamais se constituer en sens, c’est signaler le blanc par une encre incertaine, magique, disparaissant au moment même de son inscription, simplement pour indiquer, tel un doigt érigé contre le pouvoir du signifié, le lieu de sa disparition.
3. « Rien n’aura eu lieu que le lieu » donc. Et Mallarmé pointe sur la vague emportée par la brise marine. A la confluence des reflux, il faut écouter ce qui s’y rapproche : ambigüité, amphibologie, confusion, faux, incertitude, interlope, malentendu, problématique. Et quiproquo. Et suspect. L’équivoque, par l’activité qu’elle suppose, est placée dans l’inquiétant, dans la manipulation des sens. Le mot lui-même est équivoque puisqu’au XVIIè siècle il est indifféremment masculin ou féminin, un effet de sphinx, en miroir.
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