L'esprit des lois
Dans cet ouvrage, Montesquieu suit une méthode révolutionnaire pour l'époque : il refuse de juger ce qui est par ce qui doit être, et choisit de traiter des faits politiques en dehors du cadre abstrait des théories volontaristes et jusnaturalistes1. Il défend ainsi une théorie originale de la loi : au lieu d'en faire un commandement à suivre2, il en fait un rapport à observer et à ajuster entre des variables. Parmi ces variables, il distingue des causes culturelles (traditions, religion, etc.) et des causes naturelles (climat, géographie, etc.). Il livre à partir de là une étude sociologique des mœurs politiques.
De l'esprit des lois paraît sans nom d'auteur à Genève, vers la fin octobre, début novembre 17483, grâce à l'aide financière de Mme de Tencin qui achète également nombre d'exemplaires pour les donner à ses amis. Cette dernière se chargera ensuite de la publication des Errata de cette première édition très fautive et amputée (500 exemplaires qui sont distribués gratuitement avec les volumes non encore vendus), de la réédition chez Barrillot en 1749, puis finalement, avec l'aide de Claude Gros de Boze, de celle de Paris la même année, chez Huart, revue et corrigée par l'auteur4. Signe du succès de cet ouvrage, de nombreuses éditions pirates virent le jour la même année, dont une édition parisienne en janvier extrêmement fautive.
À la parution de l'ouvrage, Montesquieu est l'objet des plus vives critiques de la part de conservateurs5 et d'ecclésiastiques. Des louanges sont émises par les encyclopédistes comme D'Alembert, fils naturel de Mme de Tencin, qui lui écrira un éloge. Certains encyclopédistes lui reprochent toutefois une certaine forme de conservatisme (Montesquieu était