L’algérie : coexistence et concurrence des langues
Khaoula Taleb Ibrahimi
Le paysage linguistique de l’Algérie, produit de son histoire et de sa géographie, est caractérisé par la coexistence de plusieurs variétés langagières – du substrat berbère aux différentes langues étrangères qui l’ont plus ou moins marquée en passant par la langue arabe, vecteur de l’islamisation et de l’arabisation de l’Afrique du Nord. Dynamique dans les pratiques et les conduites des locuteurs qui adaptent la diversité à leurs besoins expressifs, cette coexistence se révèle houleuse, fluctuante et parfois conflictuelle dans un champ symbolique et culturel traversé de rapports de domination et de stigmatisation linguistique, des rapports aggravés par les effets d’une politique unanimiste, volontariste et centralisatrice qui exacerbe les enjeux d’une problématique identitaire fortement malmenée par les vicissitudes de l’histoire.
L’Algérie est une société plurilingue
Le plurilinguisme, en Algérie, s’organise autour de trois sphères langagières.
La sphère arabophone
Elle est la plus étendue par le nombre de locuteurs mais aussi par l’espace qu’elle occupe. En Algérie, mais aussi dans le monde arabe, elle aurait tendance à se structurer dans un continuum de registres (variétés langagières) qui s’échelonnent du registre le plus normé au moins normé. En premier lieu vient l’arabe fusha (ou classique)1, puis l’arabe standard ou moderne, véritable langue d’intercommunication entre tous les pays arabophones, ensuite ce que nous appelons le « dialecte des cultivés » ou l’arabe parlé par les personnes scolarisées, enfin le registre dont l’acquisition et l’usage sont les plus spontanés, ce que l’on nomme communément les dialectes ou parlers qui se distribuent dans tous les pays en variantes locales et régionales.
Cette répartition permet de distinguer, en Algérie, les parlers ruraux des parlers citadins (en particulier ceux d’Alger, Constantine, Jijel, Nedroma et Tlemcen) et de voir se