Cette réflexion sur le lien entre statut social et nos choix, nos goûts en matière de culture s’appuiera sur l’étude du sociologue Pierre Bourdieu, à travers son livre La Distinction, publié en 1979. Ce modèle doit, en France, une grande partie de son succès à la validation empirique que lui ont apportée les enquêtes successives, réalisées par le ministère de la Culture, sur la pratique culturelles des français. À trente ans d’intervalle entre la première enquête de 1973 et la dernière enquête de 1997, les pratiques culturelles n’ont en effet, semble-t-il, rien perdu de leur pouvoir de classement, et les mêmes tendances sont observées avec constance dans d’autres pays européens, ainsi qu’en Amérique du Nord. Ces constatations nous permettent de valider cette analyse, en grande partie, malgré son ancienneté de plus de trente ans, même si nous verrons par la suite que d’autres sociologues contemporains, tel que Bernard Lahire, ont tenté de la remettre en question.

A. La construction sociale des goûts
1. La hiérarchie des œuvres et des pratiques culturelles
Les pratiques culturelles et les jugements émis par les agents (terme employé par Bourdieu P. pour décrire les sujets, les individus de l’étude) sont des produits sociaux qui s’inscrivent dans une hiérarchie allant du plus légitime au moins légitime. Dans le domaine des jugements esthétiques, le sens commun oppose le « goût pur » au « goût barbare ». Les pratiques culturelles elles-mêmes sont classées dans des hiérarchies et s’oppose, du théâtre classique au théâtre de boulevard, de l’équitation ou du golf au footing ou au football, etc. Il existe des domaines culturels nobles (musique classique, peinture, sculpture, littérature, théâtre) et des pratiques moins nobles en voie de légitimation (cinéma, photo, chanson de variété, bande dessinée). Le champ culturel fonctionne donc comme un système de classement fondé sur une hiérarchie allant du plus légitime au moins légitime.
Dès lors, la culture permet aux