M.tournier
Michel Tournier (né en 1924), philosophe de formation, est venu assez tard à la littérature. Son œuvre est représentative du courant du « roman-légende », et il en a conscience : « Le passage de la métaphysique au roman devait m'être fourni par les mythes » (Le Vent Paraclet, 1977). Dès son premier roman, Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967), il reprend la légende de Robinson Crusoë, mais il en modifie jusqu'à l'inverser le symbolisme moral et métaphysique, de manière à l'actualiser tout en respectant sa dimension mythologique. Il fait de même avec la légende germanique dans Le Roi des aulnes (1970). On ne s'étonnera pas qu'il ait resserré et modifié à l'usage des jeunes son premier roman, devenu Vendredi ou la vie sauvage (1977), et qu'il ait aussi écrit des contes pour enfants (Pierrot ou les secrets de la nuit, 1979 ; Barbedor, 1980). En effet, il n'est jamais autant lui-même que lorsqu'il élabore ses propres légendes, comme dans les contes du Coq de bruyère (1978). Il lui arrive aussi de multiplier ces légendes inventées, de les entrelacer en un récit complexe et cependant rigoureusement agencé. Ainsi dans Les Météores (1974) où, autour du thème mythique de la gémellité, il combine la légende de l'enfance avec celle de la Bretagne, la légende d'un tour du monde initiatique avec celle de l'oncle Alexandre, spécialiste de la collecte des ordures ménagères et « empereur des gadoues » !
Il semble que l'œuvre littéraire de Tournier obéisse, sous le signe de la permanence du propos légendaire, à une sorte d'alternance entre légende inventée et légende transposée. Après Les Météores, il reprend la légende des Rois mages - mais en y introduisant un quatrième roi ! - dans Gaspard, Melchior et Balthazar (1980). Dans La Goutte d'or (1985), c'est le retour au monde actuel, avec l'histoire du petit Saharien Idriss, attiré par le mirage parisien et qui finit par être manœuvre au marteau-piqueur place Vendôme. Des clefs et des serrures (1979),