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O Rio Grande Amazonas
Luc Chrétien - 1981

Introduction : article rédigé lors de l’Expédition Orellana en Amazonie réalisée en 1981, en Equateur, Pérou, Colombie et Brésil par Philippe Picard et Luc Chrétien.

Les reflets jaunes, clairs, métaphore soudaine d’un amazonien poète, sous les gros nuages ronds que l’aube colore à l’horizon, au-delà du sombre sourcil infini de la forêt, illuminent les eaux boueuses du grand prince de ces lieux : le gigantesque fleuve Amazone. Sous la clameur sauvage des oiseaux qui dorent leurs ailes dans la tendre lumière du matin, dans la vaste selve gorgée d’eau, palpite déjà un rythme ample et puissant, la vie libre et forte de la jungle.

Le pilote dirige fermement, mais avec douceur, la barre de bois verni de l’Araujo 1. L’impassibilité de son visage fermé s’anime quelquefois dans une expression d’acquiescement lorsque son compagnon, par une brève phrase, le tire de sa contemplation, alors une lueur passe dans son regard. Mais aussitôt il se reprend, plisse le front puis à

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nouveau son visage de métis s’éteint. A tribord défile l’armée serrée et sans fin des grands arbres équatoriaux qui plongent leurs racines dans une terre spongieuse aux limites incertaines. Parfois, l’un de ces seigneurs chute à l’eau, le fleuve ayant rongé la rive. Alors des îles flottantes énormes descendent les rivières, les fleuves, faisant craindre le pire aux pirogues maniées à la pagaie.

Hier soir, dans la nuit noire, j’ai vu les lumières de la ville de Benjamin-Constant se rapetisser puis disparaître dans le vacarme assourdissant du Diesel du bateau. Le navire, d’une trentaine de mètres de long, transporte son lot de marchandises ainsi que des passagers dont les plus privilégiés sont dans les cabines de première classe, alors que les autres sont dehors, dans leur hamac. Dans la cohue du départ, les voyageurs se sont entassés comme ils ont