En soulevant la question du devenir de la fête, notre corpus invite à réfléchir à la nature des menaces qu’on dit peser sur elle. D’où vient que l’on s’inquiète ainsi du sens de la fête ? Est-ce fondé ? Mon point de vue sur la question repose tout d’abord sur l’examen de l’expression « sens de la fête », ce qui permettra de considérer pourquoi certains le jugent en péril alors qu’autour de moi je peux constater et éprouver la vitalité et la profondeur des pratiques festives.

En quoi consiste le « sens de la fête » ? Pour certains, il s’agit de l’aptitude à s’amuser, à lâcher prise. Cette conception est centrée sur l’individu. Qui a le sens de la fête est recherché pour sa capacité à entraîner les autres. La fête, en effet, est une pratique collective, qui s’apparente au jeu et permet de passer, ensemble, un bon moment, c’est-à-dire un moment où les contraintes du quotidien s’allègent, voire disparaissent.

La fête est en ce sens une rupture avec le temps normal et socialisé. Pour le Trésor de la Langue Française, il s’agit de « réjouissances collectives » qui rappellent au groupe, par des pratiques hors-norme, l'assentiment à l'ordre collectif préconisé. Ce sens s’enrichit lorsqu’on le confronte à celui découvert par les anthropologues et sociologues qui expliquent (je cite Pierre Emmanuel, dans la revue La Nef ) que « la fête traduit en figures symboliques […] la richesse affective d'une communauté ». Il évoque l’expérience partagée par ses membres, leurs représentations de l’histoire de la société, de ses rapports avec la nature ou le monde.

Cette définition est héritée des premiers travaux de Roger Caillois qui, dans L’Homme et le sacré observe la fête primitive pour extrapoler la fonction de toute fête : rétablir de façon ponctuelle le chaos originel de façon à refonder un ordre collectif et social qui finit par s’user.

Passer ainsi d’une définition individuelle (avoir le sens de la fête) à une définition collective (posséder un