07 Philippe Braud La Socialisation Hellip
Textes & Documents
Thème : La socialisation politique
Source : Philippe Braud, La science politique, PUF, Que sais-je ?, 2009
Aucune société ne pourrait durer si les individus qui la composent n'opéraient un apprentissage, plus ou moins contraint, de croyances, d'attitudes et de comportements compatibles avec le maintien du lien social. De même la participation active au fonctionnement d'un régime politique suppose-t-elle l'inculcation et l'acquisition de pratiques, de savoirs et de rôles aussi bien chez les simples citoyens que chez les militants et les dirigeants. L'intériorisation de ces normes mesure le degré d'intégration au groupe considéré, qu'il s'agisse de la nation et de communautés plus restreintes (communautarismes religieux, ethniques) ou plus larges (l'Union européenne).
I. Enjeux
La socialisation repose sur la substitution d'une autocontrainte à une contrainte externe ; adopter de soi-même un comportement plutôt que de s'y voir obligé. Ce glissement a des implications politiques considérables. L'exemple le plus simple concerne évidemment l'attitude à l'égard de la loi. Si les gouvernés refusaient systématiquement de se soumettre à ses prescriptions, l'État serait obligé de les y contraindre par la force. Mais il n'est pas du tout sûr qu'il pourrait triompher d'un mouvement de désobéissance généralisée. S'il y parvenait néanmoins, ce serait éminemment coûteux pour les particuliers qui auraient à subir des sanctions et, surtout peut-être, seraient confrontés à la désagréable expérience de devoir s'incliner devant la force.
Avec la socialisation, les individus apprennent à respecter d'eux-mêmes la loi, du moins quand elle a été adoptée dans des conditions de régularité qui la rendent légitime. Dès lors, il est infiniment plus facile à l'État de poursuivre et sanctionner les infractions parce qu'elles ne constituent plus qu'un phénomène quantitativement marginal. Quant aux particuliers, s'ils ont parfaitement