Analyse des thèmes :
1) Le veuvage et la solitude : Bruges-la-Morte, c’est tout d’abord l’histoire d’un veuf célibataire. Le célibat est la condition sine qua non du héros moderne ; il permet d’entourer le personnage d’un vide qui signale l’absence de déterminisme. Pas de famille, pas d’enfants. Rien avant, rien après. C’est dans cet état que l’aléatoire, qui partout est de règle, prend corps. En fin de siècle, de race et de course, le héros peut dans la solitude exalter son moi et son idéal. Seul et célibataire, il peut refaire le monde à la mesure de son imagination. La femme rôde, objectera-t-on. Certes, mais elle n’advient que comme élément intrusif. Être de perdition et de pur artifice, elle dérègle le psychisme du sujet, et c’est vers elle , Éternel féminin ou danseuse à la chevelure d’un or faux, qu’est tendu d’un désir qui se voudrait idéalement sans objet, comme le roman se rêve d’être sans romanesque.

2) La lâcheté : Jane Scott étant l’illusion de la morte, le veuf se la figure comme la morte ressuscitée, ce qui autorise tout, puisqu’il est le mari de la morte. Il s’imagine rendre sérieusement hommage à son épouse qu’il ne trompe pas puisque c’est elle en somme qu’il aime dans cette effigie : Jane Scott. Par malheur la ressemblance ne dure pas longtemps, car bientôt Jane Scott se révèle mauvaise, violente et fausse ; l’incertitude envahit M. Hugues Viane, puis le remords : le veuf se sent blâmable par la morte. En conséquence l’amour s’en va mais l’ensorcellement demeure. Et le drame va éclater.
3)L’agonie des villes :En Flandre surtout, dans la Flandre flamande, en ce silence de province si proche d’ici et qui semble si lointain, il y a ainsi des villes tombées dans le misère ou l’oubli :Ypres, Furnes, Courtrai, Audenaerde , ces mélancoliques veuves des Communiers ; mais parmi ces déchéances de l’histoire et cette détresse entre toute lamentable, une agonie de ville - c’est Bruges, la reine détrônée , qui se meurt là-bas de la mort la plus