anthologie de poésie
Thème : Le Travail
Préface
Bonne pensée du matin
A quatre heures du matin, l’été,
Le sommeil d’amour dure encore.
Sous les bosquets l’aube évapore
L’odeur du soir fêté.
Mais là-bas dans l’immense chantier
Vers le soleil des Hespérides,
En bras de chemise, les charpentiers
Déjà s’agitent.
Dans leur désert de mousse, tranquilles,
Ils préparent les lambris précieux
Où la richesse de la ville
Rira sous de faux cieux.
Ah ! pour ces Ouvriers charmants
Sujets d’un roi de Babylone,
Vénus ! laisse un peu les Amants,
Dont l’âme est en couronne.
Ô Reine des Bergers !
Porte aux travailleurs l’eau-de-vie,
Pour que leurs forces soient en paix
En attendant le bain dans la mer, à midi.
Arthur Rimbaud, Derniers vers
La pêche
Le pêcheur, vidant ses filets,
Voit les poissons d’or de la Loire
Glacés d’argent sur leur nageoire
Et mieux vêtus que des varlets.
Teints encor des ardents reflets
Du soleil et du flot de moire,
Le pêcheur, vidant ses filets,
Voit les poissons d’or de la Loire.
Les beaux captifs, admirez-les !
Ils brillent sur la terre noire,
Glorifiant de sa victoire,
Jaunes, pourprés et violets,
Le pêcheur vidant ses filets.
Théodore de Banville, Les cariatides
Cuisson du pain
Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
La sueur les mouillant et coulant au pétrin.
Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,
Leur gorge remuait dans les corsages pleins.
Leurs deux doigts monstrueux pataugeaient dans la pâte
Et la moulaient en ronds comme la chair des seins.
Le bois brûlé se fendillait en braises rouges
Et deux par deux, du bout d’une planche, les gouges
Dans le ventre des fours engouffraient les pains mous.
Et les flammes, par les gueules s’ouvrant passage,
Comme une