Anthologie sur l'amour déçu
Jean de Lingendes
Alcidon parle
Philis auprès de cet ormeau
Où paissait son petit troupeau
Étant toute triste et pensive,
De son doigt écrivit un jour
Sur le sablon de cette rive :
« Alcidon est mon seul amour. »
Je ne devais pas m’assurer
De voir sa promesse durer,
Par ce qu’en chose plus légère
Ni plus ressemblante à sa foi,
L’ingrate et parjure bergère
Ne pouvait se promettre à moi.
Un petit vent qui s’élevait
En même temps qu’elle écrivait
Cette preuve si peu durable,
Effaça sans plus de longueur
Sa promesse dessus le sable
Et son amour dedans son c?ur.
Louise Labé
Sonnets
Je vis, je meurs : je me brûle et me noie,
J’ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m’est et trop molle et trop dure,
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout en un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure,
Mon bien s’en va, et à jamais il dure,
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être en haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Théodore Agrippa d'Aubigné
Réveil
Arrière de moi vains mensonges,
Veillants et agréables songes,
Laissez-moi, que je dorme en paix :
Car bien que vous soyez frivoles,
C'est de vous qu'on vient aux paroles,
Et des paroles aux effets.
Voyez au jardin les pensées
De trois violets nuancées,
Du fond rayonne un beau soleil :
Voilà bien des miennes l'image,
Sans odeur, sans fruit, sans usage,
Et ne plaisent qu'un jour à l'?il ;
Ce n'est qu'Amour en l'apparence,
Ce n'est qu'une verte espérance,
Que rayons et vives clartés :
Mais cette espérance est trop vaine,
Ce plaisir ne produit que peine,
Et ses rayons obscurités.
Mes désirs s'envolent sans cesse
De la fureur à la finesse,
Le milieu est des c?urs bénins :
On peint la Chimère de même,
On lui