«L'art propagande a besoin de ce qu'il sert, mais il peut lui survivre [...] La chose supérieure disparaît et demeure seul l'art propagande».1 Nous étudierons ici, à travers des propos de Hans Haacke recueillis par Pierre Bourdieu dans l'ouvrage Libre-échange et en prenant pour exemples trois œuvres de périodes différentes, le rôle politique de l'art et comment celui-ci s'inscrit dans son époque en se portant témoin d'idéologies, de valeurs du climat social dans lequel il naît. Selon Haacke, «les œuvres d'art [...] sont toujours des marques idéologiques, même si [elles] ne servent pas des clients identifiables nommément». Dans le premier exemple que nous aborderons, le client est clairement exposé, car il s'agit d'une commande pour un roi : c'est Louis XIV, roi de France (1701), célèbre huile sur toile de Hyacinthe Rigaud. On remarque d'emblée les signes de puissance et d'opulence affichés : outre les objets (couronne, sceptre, collier, épée) en or, la forme ondulante et le traitement des nombreuses étoffes (d'ailleurs très épaisses) rappelle la grandeur du règne du souverain. Les courbes des tissus font de plus ressortir la silhouette bien droite du roi montrée par la ligne de ses jambes et le sceptre qu'il tient dans sa main. Un grand drap pourpre est suspendu au dessus de sa tête, donnant a la scène un aspect théâtral : le culte de la personnalité n'est pas caché. Si le pouvoir servi est montré explicitement pour cette œuvre, il l'est un peu moins dans le prochain exemple. Il s'agit d'une affiche du Cuirassé Potemkine (1925) par Alexander Rodchenko. A la suite de la Révolution bolchevik de 1917, le cinéma russe devient une arme de propagande pour le parti communiste, la production étant nationalisé par l'Etat en 1919. On se souvient d'ailleurs de la phrase de Lenine : «le cinéma est pour nous le plus important de tous les arts». Pour attirer le public vers cet instrument que devient le cinéma, on fait appel a de nouveaux artistes. Ainsi et malgré l'usage par les