commentaire invitation au voyage Beaudelaire
Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
2 - Commentaire
Introduction :
Le recueil des Fleurs du mal n’est pas composé que de poèmes vénéneux : face à la corruption du monde moderne, à la séduction diabolique des femmes, à l’accablement spleenétique, Baudelaire expose ce qu’il appelle « l’idéal » : « ce monde des belles saisons, des heureuses journées, des minutes délicieuses ».
Si le spleen est omniprésent, éprouvé matériellement et charnellement, l’idéal est fragile et insaisissable, c’est une sorte de rêve qui hante la mémoire et l’imagination, un « ailleurs inaccessible, mystérieux et/ou disparu.
L’idéal de Baudelaire, c’est l’évasion : « anywhere out of the world » annonce l’un de ses Petits Poèmes en prose, une fuite vers un ailleurs, vers la volupté amoureuse… vers la réminiscence de ce qu’il a connu dans sa jeunesse lors de son voyage vers les côtes d’Afrique et d’Orient, et surtout lors de son