Commentaire d'Erasme et l'éloge de la follie"
Texte complémentaire: Erasme, Eloge de la folie (1516)
Mais en réalité presque tout le labeur ils [les princes de l’Eglise] le laissent à Pierre et à Paul qui ont bien du temps de reste. Quant à l’éclat ou à la volupté, ils les prennent pour eux. Et ainsi, il n’y a pas d’homme, ou peu s’en faut, qui vive plus mollement et avec moins de souci, car ils estiment avoir largement donné satisfaction au Christ, s’ils tiennent leur rôle d’évêques avec des ornements mystérieux et presque de théâtre, avec des cérémonies, les titres de Béatitude, de Révérence, de Sainteté, des bénédictions et des malédictions. Archaïque, désuet, totalement étranger à notre époque de faire des miracles ; instruire le peuple, c’est pénible ; expliquer la Sainte
Ecriture, scolaire ; prier, oiseux[1] ; verser des larmes, minable et bon pour les femmes ; être dans le besoin, vil ; être vaincu, honteux et indigne de celui qui permet à peine aux plus grands rois de baiser ses pieds bienheureux ; enfin mourir est désagréable ; être crucifié, infamant.
Il ne leur reste que les armes et les douces bénédictions dont parle Paul et dont ils sont réellement prodigues, les interdits, suspensions, aggravations, redaggravations[2], anathèmes[3], peintures vengeresses[4] et cette foudre terrifiante[5] qu’il leur suffit de brandir pour envoyer les mortels au-delà même du
Tartare[6]. Toutefois les Très Saints Pères dans le Christ et vicaires du Christ ne la lancent jamais plus âprement que contre ceux qui, à l’instigation du diable, essaient d’amoindrir et de rogner le patrimoine de Saint-Pierre. Bien que, dans l’Evangile, il y ait ces mots de lui : « Nous avons tout laissé et nous t’avons suivi. », cela ne les empêche pas d’appeler patrimoine, des champs, des villes, des impôts, des péages, des souverainetés. Tandis que, brûlant de zèle pour le Christ, ils protègent tout cela par le fer et par le feu, non sans répandre à flots le sang chrétien, c’est