Corneille-rodogune
Corneille: Rodogune
(1644.)
Acte II, scène 1, vers 395 à 420. Monologue de Cléopâtre
395 Serments fallacieux, salutaire contrainte,
Que m’imposa la force et qu’accepta ma crainte,
Heureux déguisements d’un immortel courroux,
Vains fantômes d’État, évanouissez-vous !
Si d’un péril pressant la terreur vous fit naître,
400 Avec ce péril même il vous faut disparaître,
Semblables à ces vœux dans l’orage formés,
Qu’efface un prompt oubli quand les flots sont calmés.
Et vous, qu’avec tant d’art cette feinte a voilée,
Recours des impuissants, haine dissimulée,
Digne vertu des rois, noble secret de cour,
Éclatez, il est temps, et voici notre jour.
Montrons-nous toutes deux, non plus comme sujettes,
Mais telle que je suis et telle que vous êtes.
Le Parthe est éloigné, nous pouvons tout oser:
410 nous n’avons rien à craindre et rien à déguiser;
Je hais, je règne encor. Laissons d’illustres marques
En quittant, s’il le faut, ce haut rang des monarques:
Faisons-en avec gloire un départ éclatant,
Et rendons-le funeste à celle qui l’attend..
C’est encor, c’est encor cette même ennemie
Qui cherchait ses honneurs dedans mon infamie,
Dont la haine à son tour croit me faire la loi,
Et régner par mon ordre et sur vous et sur moi.
Tu m’estimes bien lâche, imprudente rivale,
420 Si tu crois que mon cœur jusque-là se ravale....
Rodogune est une tragédie en cinq actes de Pierre Corneille présentée pour la première fois en 1645, publiée en 1647. C’est une pièce moins connue que ses autres grands succès.
De fait, la tragédie est essentiellement d'inspiration historique de l'Antiquité latine, et se situe à une période clef de l'histoire romaine :
Cléopâtre, reine de Syrie, veut garder la couronne en la transmettant à l’aîné de ses deux fils jumeaux, Antiochus et Séleucus. Ces deux derniers sont amoureux de Rodogune, une princesse parthe. Cléopâtre déteste Rodogune et Cléopâtre veut sa tête: celui des deux jumeaux qui assassinera Rodogune