Corpus baudelaire, eluard, aragon, daumal
Au-delà de la narration d’une scène dramatique de la vie en mer, le poème de Baudelaire amène à un déchiffrement symbolique. L’analogie du vers 13 (”Le Poète est semblable au prince des nuées”) établit en effet le passage de l’anecdote à l’allégorie : alors qu’il partage le même sort que le peuple, dont il est le “compagnon de voyage”, l’albatros devient pourtant la figuration du “poète maudit”, mis au ban de la société : celui-ci est l’objet de la violence des marins, de leurs sarcasmes et de leurs rires. La dimension pathétique de la chute de l’oiseau, accentuée par sa gaucherie et sa laideur à la troisième strophe, évoque en outre l’indifférence de la société à l’égard de “l’infirme qui volait”.
On pourrait rapprocher ce texte de la figure exigeante du poète imaginée par René Daumal : sur le point d’être pendu, le poète espère que la société le sauvera : “Faites que je vive, et moi je vous ferai retrouver la parole !”. En liant ainsi son sort à celui du peuple, le poète assume son statut de guide spirituel à l’égard de la société. Pourtant, la “parole” dont parle ici le poète n’est pas la même que pour le peuple,