Corpus les liaisons dangereuses
LETTRE II
LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT au Château de…
Revenez, mon cher Vicomte, revenez : que faites-vous, que pouvez-vous faire chez une vieille tante dont tous les biens vous sont substitués ? Partez sur-le-champ ; j’ai besoin de vous. Il m’est venu une excellente idée, et je veux bien vous en confier l’exécution. Ce peu de mots devrait suffire ; et, trop honoré de mon choix, vous devriez venir, avec empressement, …afficher plus de contenu…
Vous connaissez sa ridicule prévention pour les éducations cloîtrées, et son préjugé, plus ridicule encore, en faveur de la retenue des blondes. En effet, je gagerais que, malgré les soixante mille livres de rente de la petite Volanges, il n’aurait jamais fait ce mariage, si elle eût été brune, ou si elle n’eût pas été au Couvent.
Prouvons-lui donc qu’il n’est qu’un sot : il le sera sans doute un jour ; ce n’est pas là ce qui m’embarrasse : mais le plaisant serait qu’il débutât par là.
Comme nous nous amuserions le lendemain en l’entendant se vanter ! car il se vantera ; et puis, si une fois vous formez cette petite fille, il y aura bien du malheur si le Gercourt ne devient pas, comme un autre, la fable de …afficher plus de contenu…
Vous recevrez cette lettre demain matin. J’exige que demain à sept heures du soir, vous soyez chez moi. Je ne recevrai personne qu’à huit, pas même le régnant Chevalier : il n’a pas assez de tête pour une aussi grande affaire. Vous voyez que l’amour ne m’aveugle pas. À huit heures je vous rendrai votre liberté, et vous reviendrez à dix, souper avec le bel objet ; car la mère et la fille souperont chez moi.
Adieu, il est midi passé : bientôt je ne m’occuperai plus de vous. Paris, ce 4 août 17**. CORPUS Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos,